InternationalAFP




Brésil: Bolsonaro repousse les limites du politiquement incorrect

Insultes à répétition, attaques misogynes à caractère sexuel: le président brésilien Jair Bolsonaro multiplie les dérapages que ses détracteurs jugent…

Insultes à répétition, attaques misogynes à caractère sexuel: le président brésilien Jair Bolsonaro multiplie les dérapages que ses détracteurs jugent indignes de sa fonction.

Le chef de l’Etat a provoqué une vague d’indignation sans précédent mardi en insinuant qu’une journaliste du très respecté quotidien Folha de S. Paulo, Patricia Campos Mello, aurait tenté d’obtenir un scoop contre lui en échange de relations sexuelles avec sa source.

En termes de misogynie, Jair Bolsonaro n’en est pas à son coup d’essai. En août 2019, il s’en était pris au physique de Brigitte Macron, épouse du président français, qui l’avait vivement critiqué en raison de la recrudescence des feux de forêt en Amazonie.

« Il est de plus en plus évident que le président a besoin d’un traitement thérapeutique de toute urgence », a estimé Paulo Jeronimo de Sousa, président de l’Association Brésilienne de Presse (ABI), considérant les propos de Jair Bolsonaro « lâches » et « embarrassants ».

« Ce comportement misogyne est indigne de la fonction présidentielle et constitue un affront à la Constitution », a-t-il ajouté, réclamant que le procureur-général « prenne les mesures nécessaires » contre Jair Bolsonaro. Celui-ci avait été élu fin 2018 en se présentant comme un candidat antisystème et « politiquement incorrect ».

Ivar Hartmann, professeur de Droit à la Fondation Getulio Vargas (FGV) considère ces propos « déplorables », mais ne croit pas pour autant qu’ils puissent « entraîner des conséquences légales ».

– « Écran de fumée » –

La loi brésilienne prévoit que « porter atteinte à la dignité et l’honneur » de la fonction présidentielle est passible de destitution.

Mais pour qu’une procédure de destitution aboutisse, elle doit être approuvée par les trois cinquièmes des députés, ce que la plupart des analystes jugent peu probable dans le cas de Jair Bolsonaro.

« La gauche va sûrement argumenter que ces propos portent suffisamment atteinte à la dignité de la fonction pour motiver une destitution (…) mais je ne vois pas le Congrès disposé à aller jusque là », estime Ivar Hartmann.

Depuis le début du mois, le président brésilien a adressé deux bras d’honneur à la presse à Brasilia.

Rodrigo Maia, président de la Chambre des Députés, a tiré la sonnette d’alarme mercredi, craignant que l’agressivité du président n’envoie « un signal négatif aux investisseurs ».

« La présidence est contaminée par les incivilités, l’ignorance et le machisme abject de son occupant », a fustigé Folha de S. Paulo dans un éditorial mercredi.

Dans la chronique politique qu’elle signe au journal Estado de S. Paulo, la journaliste Vera Magalhaes a accusé M. Bolsonaro de « dégrader l’image de la fonction présidentielle pour créer un écran de fumée ».

Les agressions verbales du président sont ainsi vues comme un moyen de détourner l’attention de sujets sensibles.

En décembre, quand un journaliste lui a posé une question sur des accusations de corruption pesant contre son fils aîné, le sénateur Flavio Bolsonaro, il a répondu par un commentaire homophobe, lui lançant: « tu as une tête terrible d’homosexuel! ».

« Quand il n’est pas capable de fournir une réponse rationnelle, il répond avec des blagues, souvent offensantes, pour créer un écran de fumée », renchérit Ivar Hartmann, qui souligne que ce ton agressif « plaît au noyau dur de son électorat »

– « Grossièreté inacceptable » –

En ce moment, le sujet sensible pour la famille Bolsonaro est la mort du chef présumé d’une milice paramilitaire soupçonnée d’avoir orchestré l’assassinat de l’élue de gauche Marielle Franco il y a deux ans.

Ex-capitaine du Bope, bataillon d’élite de la police militaire de Rio de Janeiro, Adriano Magalhães da Nobrega avait été décoré en 2005 à l’initiative de Flavio Bolsonaro, qui avait par ailleurs embauché sa mère et son ex-épouse dans son cabinet.

Considéré comme un fugitif, l’ancien policier a été tué le 9 février dans l’Etat de Bahia (nord-est), lors d’une fusillade après avoir ouvert le feu sur les agents qui allaient l’arrêter, selon les autorités locales.

Mais Jair Bolsonaro a évoqué une « exécution sommaire » perpétrée selon lui par des policiers à la solde du gouverneur de gauche Rui Costa.

Lundi, une vingtaine de gouverneurs ont fait part de leur indignation, réclamant plus « d’équilibre, de sagesse et de dialogue » de la part du chef de l’Etat.

Mardi, l’ex-président de centre droit Fernando Henrique Cardoso (1995-2002) a estimé que les insinuations de Jair Bolsonaro étaient d’une « grossièreté inacceptable ».

Même quand il n’attaque personne, le président brésilien parvient parfois à détourner l’attention avec des déclarations improbables teintées de vulgarité.

En août, il avait par exemple préconisé de « faire caca un jour sur deux » pour préserver l’environnement.