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Face à une demande inédite, les banques alimentaires américaines sur tous les fronts

De longues heures d'attente dans un véhicule: à cause du coronavirus, des millions d'Américains, exsangues, se tournent vers les banques…

De longues heures d’attente dans un véhicule: à cause du coronavirus, des millions d’Américains, exsangues, se tournent vers les banques alimentaires, qui multiplient les distributions avec la crainte de ne bientôt plus pouvoir faire face.

Ils étaient 1.000 véhicules à se présenter mardi à une distribution organisée par la banque alimentaire de Pittsburgh (Pennsylvanie), dont les besoins ont augmenté de 38% en mars.

En huit opérations exceptionnelles comme celle-ci, quelque 227 tonnes de nourriture ont été enfournées dans des coffres de voitures, explique Brian Gulish, le vice-président.

« Beaucoup de gens ont recours à nos services pour la première fois », dit-il. « C’est pour ça que ces files sont si longues. Ils ne connaissent pas notre réseau » de plus de 350 points de collecte dans le Sud-Ouest de l’Etat.

Partout, de La Nouvelle-Orléans à Detroit, les mêmes scènes se reproduisent, signes d’une population en détresse, privée de ressources, dans l’attente des chèques promis par le gouvernement fédéral qui commencent à arriver.

Un sommet a sans doute été atteint le 9 avril à San Antonio, au Texas, où environ 10.000 véhicules se sont présentés, certains dès la veille au soir.

« Cela fait des mois que nous n’avons plus de boulot », raconte Alana, lors d’une distribution à Chelsea, dans la banlieue de Boston. « Hier, j’ai vu une femme avec un bébé de 15 jours, deux autres enfants, un mari au chômage, et plus rien dans les placards », dit cette femme qui n’a pas voulu donner son nom de famille.

Les besoins des banques alimentaires n’ont plus rien à voir avec ceux d’avant la crise, en hausse de 30%, par exemple, à Akron, près de Cleveland dans l’Ohio.

« On a construit, sur des années, une chaîne d’approvisionnement qui pouvait répondre à certains besoins », explique Dan Flowers, directeur général de l’Akron-Canton Regional Foodbank. « L’augmenter de 30% du jour au lendemain, c’est quasiment impossible ».

D’autant que les banques alimentaires font également face aux perturbations majeures qui secoue tout le secteur agroalimentaire aux Etats-Unis.

Les consommateurs dévalisent les supermarchés, qui n’ont plus autant d’invendus à donner, tout comme les restaurants, fermés ou tournant au ralenti.

Heureusement, l’industrie agroalimentaire répond globalement présent et continue d’assurer des dons.

Les banques alimentaires, dont les 200 filiales locales du réseau Feeding America, reçoivent même quantité de livraisons exceptionnelles.

Déjà contributeur ordinaire, le géant J.M. Smucker a acheminé des palettes supplémentaires dans l’Ohio, et la distillerie Ugly Dog, du Michigan, un camion entier de gel hydroalcoolique dans des bouteilles de spiritueux, explique Dan Flowers.

– « A bout » –

Les dons affluent aussi en numéraire, de foyers anonymes ou de Jeff Bezos, première fortune mondiale, qui a offert 100 millions de dollars à Feeding America.

Sans ces dons, « ces banques alimentaires ne pourraient pas faire face à la demande », dit Dan Flowers, qui achète actuellement 35% de ses approvisionnements, contre 5% ordinairement, le reste provenant de dons en nature.

Et il ne suffit pas de s’assurer des quantités nécessaires, encore faut-il être livré, alors que les besoins de la grande distribution explosent.

Il n’est plus rare d’attendre six, voire huit semaines, pour voir arriver un camion.

La Food Bank de New York, une des grandes organisations de la métropole, n’hésite plus à augmenter les volumes commandés, explique Zanita Tisdale, « parce que si nous revenons dans une semaine, les prix pourraient avoir monté de manière significative et le délai de livraison s’allonger de façon exponentielle ».

Entre l’approvisionnement, qui s’est complexifié, et les familles, dont le nombre augmente, il y a les équipes des banques alimentaires, qui commencent à tirer la langue, après des semaines à flux tendu.

« Nos employés sont à bout », décrit Dan Flowers. « Ils travaillent tellement dur. On aimerait bien en voir la fin ».

Comme beaucoup d’autres, son organisation n’accepte plus les bénévoles, pour éviter la propagation du virus, ce qui les prive de dizaines de bras.

Pour soutenir cet effort, la Garde Nationale a envoyé des soldats dans beaucoup de points chauds.

« L’approvisionnement est encore suffisant, mais dans un mois, nous ne savons pas », prévient Brian Gulish.

Le plan de soutien exceptionnel à l’économie, voté fin mars par le Congrès, prévoit 850 millions de dollars de nourriture pour les banques alimentaires, rappelle Dan Flowers, qui espère en récolter les premiers bénéfices en juin.

« Ça nous remettra en selle », dit-il. Mais le tout est de tenir jusque-là. « Ce qui m’inquiète, ce sont les six à huit prochaines semaines ».