Alors qu’il avait fait de la lutte contre la corruption une prioriteĢ aĢ la suite de sa nomination, le Premier ministre de la GuineĢe Conakry est formellement mis en cause.
Ce, en meĢme temps que son ministre de l’Agriculture qui a eĢteĢ meĢme condamneĢ. L’affaire d’une graviteĢ extreĢme met aĢ deĢfi Alpha CondeĢ qui a l’obligation de deĢmettre son chef du gouvernement et le ministre. Tout a commenceĢ aĢ Bruxelles lorsque le tribunal correctionnel a condamneĢ un proche de…BolloreĢ, Hubert Fabri, pour corruption.
En effet, la juge Anne Carlier a estimeĢ que les socieĢteĢs du groupe belge Socfin, geĢant mondial du caoutchouc et de lāhuile de palme (45.000 employeĢs aĢ travers le monde, principalement en Afrique et Asie du Sud-Est) avait, via ses dirigeants, organiseĢ un systeĢme de corruption pour sāattirer les faveurs des autoriteĢs publiques guineĢennes, dans les anneĢes 2000.
Socfin est deĢtenu aĢ 38,7% par lāindustriel francĢ§ais Vincent BolloreĢ, ami proche dāHubert Fabri et lui aussi inculpeĢ pour corruption pour des faits preĢsumeĢs notamment commis en GuineĢe. Le tribunal a consideĢreĢ que Mariama Camara, Ā«Ā en sa qualiteĢ de fonctionnaire publique, a solliciteĢ aupreĢs du groupe Socfin une reĢmuneĢrationĀ Ā» et que Ā«Ā Socfin a proposeĢ un scheĢma de paiementĀ Ā».
Celui-ci, nommeĢ Ā«Ā scheĢma de corruptionĀ Ā» par la juge, preĢvoyait que Mariama Camara, ancienne patronne de la Soguipah, socieĢteĢ nationale guineĢenne sāoccupant du caoutchouc et de lāhuile de palme, recĢ§oive 6% du prix dāachat du caoutchouc, transfeĢreĢs sur son compte via la socieĢteĢ WAT (pour West African Trading), socieĢteĢ-eĢcran baseĢe aĢ Guernesey et deĢtentrice des contrats de commercialisation entre les plantations du groupe Socfin et la Soguipah.
Pour le tribunal, les Ā«Ā actes de corruption ont eĢteĢ dissimuleĢs par la convention qui est entieĢrement fausseĀ Ā».
Hubert Fabri, actionnaire majoritaire du groupe, a Ā«Ā cautionneĢ le scheĢma de paiement en faveur de Mariama Camara. Il disposait dāune procuration sur les comptes de WAT.Ā Ā»
Dans son jugement, le tribunal sāest aussi longuement attardeĢ sur les autres destinataires des paiements effectueĢs par la socieĢteĢ WAT. Il apparaiĢt, selon la justice, que celle-ci a verseĢ de lāargent sur les comptes de toute une seĢrie de dignitaires guineĢens, parmi lesquels lāancien ministre et ambassadeur de GuineĢe aĢ Bruxelles Kazaliou BaldeĢ, deĢceĢdeĢ en 2012.
Et surtout lāancien ministre des Finances du pays, Ibrahima Fofana, aurait, beĢneĢficieĢ dāun versement dāenviron 50.000 euros. Cet homme a eĢteĢ nommeĢ Premier ministre par le preĢsident Alpha CondeĢ, le 17 mai dernier. Et Mariama Camara fait donc partie de son gouvernement.
Dans les courriels saisis lors des perquisitions aĢ lāorigine de lāenqueĢte, les correspondants eĢvoquaient des Ā«Ā transactions pouvant sembler eĢtranges pour les normes europeĢennes, mais il ne faut pas oublier que lāon est en Afrique.Ā Ā» Il eĢtait eĢgalement fait mention Ā«Ā dāaĢ-coĢteĢs pour nos amisĀ Ā». Tous les preĢvenus ont eĢteĢ acquitteĢs des faits de blanchiment et dāabus de biens sociaux.
Par ailleurs, lāun dāentre eux a beĢneĢficieĢ de la prescription des faits. Contrairement aux plaidoiries des avocats de la deĢfense, le tribunal a consideĢreĢ quāil eĢtait territorialement compeĢtent pour juger les faits, et que lāenqueĢte nāavait eĢteĢ ni deĢloyale, ni illeĢgale.
Tous les preĢvenus disposent dāun mois pour faire appel. Le marathon judiciaire se poursuit pour Hubert Fabri, qui attend lāarreĢt de la cour dāappel de Bruxelles le 25 septembre dans le volet fiscal de ce dossier, aĢ lāorigine de lāenqueĢte qui a abouti, vendredi dernier, aĢ sa condamnation.