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OIF : que cache la candidature de Louise Mushikiwabo ?

En soutenant la candidature de la ministre rwandaise des Affaires Ă©trangĂšres, Louise Mushikiwabo, pour prendre la tĂȘte de l’Organisation internationale


En soutenant la candidature de la ministre rwandaise des Affaires Ă©trangĂšres, Louise Mushikiwabo, pour prendre la tĂȘte de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), Emmanuel Macron s’essaye Ă  la realpolitik. Face Ă  Paul KagamĂ©, il risque de s’y brĂ»ler les doigts
 et de fragiliser une institution centrale pour le rayonnement gĂ©opolitique de la France.
La scĂšne en disait long sur la partie de poker menteur en cours entre Paris et Kigali. Sur le perron de l’ElysĂ©e, comme un symbole de la main tendue française, Paul KagamĂ© annonçait le 23 mai dernier la candidature de sa (trĂšs) fidĂšle ministre des affaires Ă©trangĂšres au poste de secrĂ©taire gĂ©nĂ©rale de l’OIF. Une candidature soutenue par Emmanuel Macron et annoncĂ©e par le prĂ©sident rwandais
 en anglais.Une rebuffade pour le prĂ©sident français en forme de symbole. Paul KagamĂ©, qui instrumentalise depuis vingt ans le sentiment anti-français au profit de la propagande de son rĂ©gime, a abandonnĂ© en 2003 le français comme langue officielle et d’enseignement au profit de l’anglais. Allant mĂȘme jusqu’à rejoindre le Commonwealth comme un ultime pied-de-nez aux Français.Qu’espĂšre Emmanuel Macron par ce cadeau Ă  Kagamé ? Normaliser la situation avec le Rwanda ? Pousser Ă  une dĂ©mocratisation dans cette autocratie militaire qui ne dit pas son nom ? Difficile Ă  savoir. Mais force est de constater, comme le prouve la dĂ©claration en anglais de Paul KagamĂ©, que Kigali ne semble pas prĂȘte Ă  la moindre concession.

KagamĂ© n’a d’ailleurs pas cherchĂ© Ă  mettre de l’eau dans son vin en ce qui concerne la candidate dĂ©signĂ©e. Louise Mushikiwabo incarne la ligne dure de son rĂ©gime. Une fidĂšle parmi les fidĂšles qui n’a jamais sourcillĂ© devant les incessantes rĂ©pressions policiĂšres d’opposants ou le soutien en armes de milices rebelles de la RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo voisin.

Le Rwanda, pays officiellement anglophone et rĂ©guliĂšrement Ă©pinglĂ© par les organisations de dĂ©fense des droits de l’Homme et de la libertĂ© de la presse, est un pari risquĂ© pour la francophonie. En privĂ©, de nombreux chefs d’état africains font part de leur surprise (voire de leur colĂšre) vis-Ă -vis de cette candidature qui, selon eux, foule aux pieds certains des principes fondateurs de l’OIF tout en rĂ©compensant le pire Ă©lĂšve de la classe.

Outre la provocation d’une candidature rwandaise, c’est la personnalitĂ© de Louise Mushikiwabo qui crispe de nombreuses capitales africaines. Il faut dire que son court passage Ă  la Banque africaine de dĂ©veloppement (BAD) n’a pas laissĂ© que des bons souvenirs et que rares sont les dirigeants africains dĂ©sireux de travailler avec elle sur le long-terme.

Le temps dira si le pari rwandais d’Emmanuel Macron est gagnant. Pour apaiser Paul KagamĂ© (ce qu’aucun de ses prĂ©dĂ©cesseurs n’est arrivĂ© Ă  faire sur le long-terme), le prĂ©sident français prend le risque de s’aliĂ©ner un certain nombre de chefs d’état amis. En prenant en otage l’OIF, il affaiblit surtout cette institution conçue comme une arme diplomatique au service du rayonnement de la France.