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Pour l’Arabe israélien Odeh, démonter le plan Trump en chassant Netanyahu

"Nous pouvons triompher sous peu du plan Trump". Le leader des partis arabes israéliens Ayman Odeh tente de freiner le…

« Nous pouvons triompher sous peu du plan Trump ». Le leader des partis arabes israéliens Ayman Odeh tente de freiner le plan américain pour le Moyen-Orient en commençant par chasser le « parrain » de ce projet, Benjamin Netanyahu, aux élections israéliennes de lundi.

Sa « Liste unie », une coalition hétérogène de partis arabes israéliens où se mêlent communistes, socialistes, libéraux et islamistes, avait causé la surprise aux élections de septembre 2019 en foulant la troisième marche du podium derrière le Likoud (droite) de Benjamin Netanyahu et le parti Bleu-blanc (centre) de l’ex-général Benny Gantz.

M. Odeh et une partie de ses troupes avaient recommandé M. Gantz au poste de Premier ministre afin de mettre un terme au pouvoir de M. Netanyahu dont le procès pour corruption, malversation et abus de confiance débute le 17 mars.

« Nous voulons la chute de Netanyahu car c’est le plus grand provocateur des citoyens arabes et c’est le parrain de ‘l’accord du siècle' », surnom du projet américain pour un règlement du conflit israélo-palestinien, lance M. Odeh, cheveux gominés, veston noir impeccable sur chemise blanche, dans un entretien avec l’AFP à Haïfa, sa ville d’origine dans le nord d’Israël.

Si M. Gantz et la gauche s’arc-boutent contre M. Netanyahu pour ses démêlés judiciaires, Ayman Odeh joue une toute autre carte pour cette troisième élection en moins d’un an: le plan du président américain Donald Trump qui fait droit aux exigences israéliennes.

M. Netanyahu jubile à l’annonce du plan fin janvier, les Palestiniens se froissent. Et les Arabes israéliens, ces descendants des Palestiniens restés sur leurs terres après la création d’Israël?

« Le problème principal de ce plan tient à ce que le Premier ministre israélien a accepté de céder une partie de sa population », lance M. Odeh, qui feint un jab en souriant à la caméra.

– Bibi vs. Tibi –

Un détail n’a pas échappé à Ayman Odeh et à la minorité arabe (environ 20% de la population israélienne): le transfert du « Triangle » vers la Palestine à venir.

Le plan propose en effet de transférer le contrôle d’une dizaine de villages et villes arabes israéliens regroupés dans une région baptisée le « Triangle » à un futur Etat palestinien.

« C’est comme si les Arabes étaient les citoyens non désirés d’un pays qui se voulait exclusivement pour les Juifs », déplore M. Odeh. « Je suis un fils de Haïfa, j’ai grandi avec les juifs, on ne peut pas établir une frontière entre nous et nos voisins juifs », souligne l’homme qui tweete en hébreu.

Ces jours-ci, Ayman Odeh sillonne les secteurs arabes d’Israël pour moissonner la colère face à un projet qu’il qualifie du « plus dangereux depuis 1967 », date de l’occupation de Jérusalem-Est et de la Cisjordanie par Israël.

Dans le camp Netanyahu, l’épithète « dangereux » s’écrit plutôt à côté de « Odeh ». Ou de « (Ahmed) Tibi ». Un ténor de la « Liste unie » dont le visage arrondi orne des affiches du Likoud avec la mention en hébreu « Bli Ahmed Tibi », « sans Ahmed Tibi ».

Bref, Netanyahu propose un gouvernement sans les partis arabes et accuse son rival Benny Gantz de s’appuyer sur leur soutien.

– Le moins pire –

« Mais nous sommes capables de mettre fin au règne de Netanyahu et de l’extrême droite sans appui extérieur », soutient M. Odeh, qui cite Ibn Khaldoun, grand historien arabe du XIVe siècle et penseur de la naissance et du déclin des dynasties.

Comment vaincre le « Roi Bibi »? En septembre, la liste arabe avait remporté 13 sièges et soutenu M. Gantz. Pourquoi?

« Il y a un adage palestinien qui dit: ‘qu’est-ce qui t’a conduit a tant d’amertume? Et la réponse est: encore plus d’amertume' », répond Ayman Odeh. Entre deux maux, il avait choisi, selon lui, le moins pire.

Cette fois, la pilule ne passe plus.

Sa coalition assure ne plus vouloir soutenir M. Gantz, mais simplement empêcher le Premier ministre et ses alliés d’atteindre le chiffre de 61 députés, seuil pour former un gouvernement.

Et pour y parvenir, elle souhaite passer à 16 députés et priver de sièges précieux le camp Netanyahu qui accuse les députés arabes israéliens de passer leur temps à « jouer au backgammon ».

Netanyahu écarté du pouvoir, les partis arabes espèrent pouvoir freiner le plan Trump, mais devront convaincre pour ce faire une partie de la classe politique israélienne, à commencer par M. Gantz, de discuter avec eux et avec les Palestiniens. M. Gantz est favorable au plan, mais son camp a ouvert la voie à des discussions.

D’ici là, Ayman Odeh se rêve en tombeur du « Roi Bibi » qui aura, espère-t-il, amplement le temps après les élections « de joueur au backgammon ».