Washington rejette les critiques sur son repli national

Les Etats-Unis ont rejeté samedi les critiques sur leur repli national, n’hésitant pas à s’en prendre directement au président allemand, et ont affirmé que l’Occident était “en train de gagner” face à la Chine et la Russie.

La Conférence sur la sécurité de Munich, grand-messe annuelle internationale sur les questions de défense, a été le théâtre d’un mini-éclat diplomatique avec l’intervention du secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo.

Sans prendre de gants, il a répliqué à des propos la veille du chef de l’Etat allemand Frank-Walter Steinmeier, lors de ce même forum, qui avait critiqué le repli national et l’égoïsme propagés à ses yeux par l’administration de Donald Trump.

Ces critiques, et d’autres du même type entendues ces dernières années, « ne reflètent pas du tout la réalité », a déclaré M. Pompeo.

« J’ai le plaisir de vous annoncer que l’idée selon laquelle l’alliance transatlantique serait morte est grandement exagérée », a-t-il ironisé.

– ‘Great again’ –

Le chef de l’Etat allemand, qui ne dispose pas de pouvoir exécutif mais dont la voix porte en Allemagne, avait regretté que « notre principal allié, les Etats-Unis, refusent sous l’administration actuelle l’idée même d’une communauté internationale ».

« Les pays sont invités à placer leurs propres intérêts au-dessus de ceux de tous les autres, +Great again+ même aux dépens des voisins et des partenaires », avait-il raillé à propos du slogan électoral du président américain Donald Trump « Make America Great Again » (Rendre sa grandeur à l’Amérique).

Le ministre américain des Affaires étrangères lui a répondu du tac au tac.

Il a fait valoir que son pays avait contribué au renforcement de l’Otan sur son flanc oriental, près de la frontière avec la Russie, ou encore avait conduit l’effort pour mettre fin au « califat » auto-proclamé de l’organisation Etat islamique en Syrie.

« Est-ce que c’est ça les Etats-Unis qui +rejettent la communauté internationale+ ? », a-t-il demandé.

« L’Occident est en train de l’emporter », a-t-il clamé en réponse à ceux qui doutent de la cohésion du lien transatlantique.

« Nous devrions avoir confiance dans l’alliance transatlantique, nous sommes en train de gagner et nous le faisons ensemble », a ajouté M. Pompeo.

Une ligne soutenue par le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg.

« Nous ne devrions pas être en compétition entre nous et mettre en avant nos différences, tout en minimisant nos forces », a-t-il dit à Munich.

« L’Europe et les Etats-Unis sont des partenaires indispensables, les deux côtés de la même pièce », a-t-il ajouté.

Mike Pompeo a lui jugé que « l’Occident a un meilleur avenir que les alternatives illibérales », dénonçant l’évolution de la Russie et de la Chine.

– Nord-Stream –

Il a annoncé que les Etats-Unis allaient financer des projets énergétiques à hauteur d’un milliard de dollars dans des pays d’Europe centrale et de l’Est pour renforcer leur indépendance énergétique face à Moscou.

Il s’agit d’un « signe de soutien à la souveraineté, la prospérité et l’indépendance énergétique de nos amis européens » qui profitera « aux pays d’Europe centrale et de l’Est membres de l’Initiative des Trois Mers », qui réunit douze Etats membres de l’Union européenne.

« Nous voulons galvaniser l’investissement du secteur privé dans leurs secteurs énergétiques afin de protéger la liberté et la démocratie dans le monde », a-t-il ajouté.

L’initiative des Trois Mers réunit douze pays de l’Union européenne bordés par les mers Baltique, Adriatique et Noire. Cet espace s’étend de l’Estonie et de la Pologne au nord à la Croatie au sud et la Roumanie et la Bulgarie à l’est.

Il a pour objectif de renforcer la coopération entre ses membres dans les domaines de l’énergie, des infrastructures et de la sécurité, notamment vis-à-vis de la Russie que nombre de ses membres considèrent comme une menace directe.

Ils contestent notamment, comme les Etats-Unis, le projet de gazoduc Nord Stream 2, fortement soutenu par l’Allemagne, qui vise à doubler les livraisons directes de gaz naturel russe vers l’Europe occidentale, en contournant l’Ukraine.

Coronavirus: le tourisme sous haute-tension en Asie du Sud-Est

Hôtels vides, plages désertées, annulations en série: l’Asie du Sud-Est, particulièrement dépendante du tourisme, paye au prix fort l’épidémie de coronavirus avec des pertes évaluées à plusieurs milliards d’euros.

L’ambiance est morose dans la station balnéaire de Pattaya, l’une des destinations favorites des Chinois en Thaïlande: le front de mer, d’habitude si animé, s’est dépeuplé, les bateaux de touristes restent à quai et les échoppes du marché flottant font grise mine.

Dans le camp d’éléphants Chang Siam Park, attraction-phare de la ville, Ma Mya, vendeuse de souvenirs, a vu ses recettes baisser de moitié. « Si cela continue, je vais devoir repartir chez moi », soupire la jeune femme de la tribue Kayan, un long collier doré à spirale autour du cou.

Le parc accueillait 1.500 à 2.000 visiteurs par jour. « Ils ne sont pas plus de 200 aujourd’hui, et j’ai déjà perdu deux millions de bahts » (près de 60.000 euros), raconte à l’AFP Nantakorn Phatnamrob, propriétaire du camp.

Au Cambodge, même les célèbres temples d’Angkor ne font plus recette: la vente de billets a chuté de 30 à 40%, d’après le ministère du Tourisme.

Le constat est le même au Vietnam: 13.000 chambres d’hôtel ont déjà été annulées à Hanoï et la fréquentation du joyau du pays, la Baie de Halong, a baissé de plus de 60%.

Pour montrer qu’elles ont tiré les leçons de l’épidémie de SRAS de 2002/2003, les autorités chinoises ont pris des mesures draconiennes contre le nouveau coronavirus qui a tué pour le moment plus de 1.500 personnes et en a contaminé des dizaines de milliers.

Pékin a placé depuis fin janvier 56 millions d’habitants en quarantaine et interdit à l’ensemble de la population les voyages organisés à l’étranger.

Résultat: la Thaïlande, qui a accueilli 11 millions de Chinois l’année dernière (27% de l’ensemble de ses touristes étrangers), a enregistré début février une chute de visiteurs de l’empire du Milieu de « plus de 86% », d’après le ministre du Tourisme, Phiphat Ratchakitprakarn.

Au Vietnam, les touristes chinois ont quasi disparu avec un effondrement de « 90 à 100% » selon les zones.

La contagion se propage aux Européens, Américains ou Australiens qui renoncent à leur voyage par crainte du coronavirus, même si ce dernier sévit pour l’instant essentiellement en Chine continentale et que peu de personnes ont été contaminées en Asie du Sud-Est.

– Des milliards d’euros de pertes –

Cette situation inédite pourrait s’avérer catastrophique pour les économies de la région, très tributaires du tourisme.

En Thaïlande, le secteur représente 20% du PIB et les pertes liées à l’épidémie devraient atteindre cette année près de 7,4 milliards d’euros (1,5% du PIB), selon Don Nakornthab, haut responsable à la Banque centrale thaïlandaise.

Le Vietnam estime de son côté qu’il va perdre entre 5,4 et 7,1 milliards d’euros dès les trois prochains mois.

Mais que va-t-il se passer si, comme le craignent certains spécialistes de l’industrie du tourisme, les effets se propagent « à long terme jusqu’en 2021 »?

Conscients du risque, la Thaïlande et le Cambodge ne refusent pas les touristes chinois, se contentant de renforcer les contrôles dans les aéroports et aux postes frontaliers.

Les autorités thaïlandaises vont même leur proposer des visas gratuits.

Et le Premier ministre cambodgien, Hun Sen, joue les VRP. Dénonçant « la maladie de la peur », il fait tout pour s’attirer les bonnes grâces de Pékin, son proche allié, et faire revenir les Chinois dans le royaume.

Les autorités vietnamiennes se veulent, elles, beaucoup plus protectionnistes: elles ont interdit les vols à destination et en provenance de Chine continentale, et les trains de voyageurs ont été stoppés.

Quant au Laos, il a fermé sa frontière terrestre avec la Chine et plusieurs vols quotidiens ont été annulés.

« Depuis, nous ne voyons plus de Chinois et la situation risque d’empirer », dit à l’AFP Ong Tau, vendeuse de jus de fruits dans l’ancienne ville coloniale de Luang Prabang.

Nombre d’agences de voyages et d’hôteliers de la région cassent les prix et ont étendu leurs politiques permettant à leurs clients de reporter sans frais leur séjour, afin d’atténuer les annulations.

Coronavirus: 1.500 morts, premier décès en Europe

Le bilan de l’épidémie du nouveau coronavirus a dépassé samedi les 1.500 morts en Chine, et le premier décès en Europe a été signalé en France.

Il s’agit d’un touriste chinois de 80 ans hospitalisé en France depuis fin janvier, a annoncé la ministre française de la Santé Agnès Buzyn. Ce décès est le « premier hors d’Asie, le premier en Europe », q-t-elle précis&.

Plus de 66.000 cas de contamination ont désormais été enregistrés en Chine, principalement dans la province du Hubei (centre), foyer de l’épidémie de pneumonie virale Covid-19.

Alors que le Hubei reste coupé du monde depuis trois semaines et que plusieurs villes de l’Est du pays ont adopté des mesures de confinement drastiques, Pékin a à son tour musclé vendredi ses restrictions pour endiguer la propagation du virus.

La capitale oblige désormais toutes les personnes arrivant de l’extérieur à s’auto-imposer une quarantaine de 14 jours à leur domicile ou leur hôtel, sous peine de sanctions, a rapporté le Beijing Daily, un quotidien officiel.

L’activité dans la ville reste largement paralysée et que de nombreuses entreprises imposent le télétravail à leurs employés.

A l’issue des vacances du Nouvel an lunaire, prolongées de quelques jours, beaucoup de Chinois retournés dans leur région d’origine pour les fêtes font désormais route pour rejoindre les villes où ils résident.

Quelque 283 millions de trajets ont ainsi été accomplis dans le pays entre le 25 janvier et le 14 février, selon le vice-ministre des Transports Liu Xiaoming.

La banque centrale a aussi annoncé samedi que les billets usagés étaient désormais désinfectés et… placés en quarantaine jusqu’à 14 jours, avant d’être remis en circulation.

– Premier cas en Afrique –

La Chine continentale (hors Hong Kong et Macao) a pour l’heure enregistré 1.523 morts dus au coronavirus, selon des chiffres diffusés samedi. Au moins six membres du personnel soignant sont décédés, et plus de 1.700 médecins et infirmiers ont été contaminés.

Outre un mort également recensé sur le territoire chinois semi-autonome de Hong Kong, le Japon, les Philippines et la France sont les seuls autres pays ayant fait état de décès (un chacun) sur leur territoire.

Pour autant, l’épidémie de Covid-19 maintient le monde en alerte, avec près de 600 cas confirmés de contamination dans plus d’une vingtaine de pays.

L’Egypte a annoncé vendredi avoir enregistré le premier cas sur le continent africain.

Mais le principal foyer d’infection hors de Chine reste le paquebot de croisière Diamond Princess, en quarantaine au Japon: 285 cas de contamination y ont été confirmés, dont 67 nouveaux cas annoncés samedi.

Quelque 3.700 passagers et membres d’équipage restent confinés dans leurs cabines. Les Etats-Unis prévoient désormais d’évacuer des Américains se trouvant à bord, a annoncé samedi l’ambassade américaine à Tokyo.

– ‘Grand test’ –

La lutte contre le virus constitue « un grand test pour le système et les capacités de gouvernance du pays », a reconnu vendredi le président chinois Xi Jinping, admettant des « lacunes » et appelant à améliorer le système de santé national.

Après avoir initialement félicité Pékin pour son « travail très professionnel », les Etats-Unis avaient déploré jeudi un « manque de transparence de la part des Chinois », regrettant que le pays n’ait pas donné suite à la proposition d’envoi d’experts américains.

Les autorités sanitaires du Hubei avaient annoncé jeudi à la surprise générale un élargissement de leur définition des personnes atteintes de la pneumonie virale Covid-19.

– L’OMS à Pékin –

Jusqu’à présent, un test de dépistage était indispensable pour déclarer un cas « confirmé ». Dorénavant, les patients « diagnostiqués cliniquement », notamment avec une simple radio pulmonaire, seront aussi comptabilisés.

La nouvelle définition a automatiquement gonflé le nombre de personnes officiellement infectées, avec l’annonce d’une envolée de plus de 15.000 nouveaux cas de contamination jeudi.

Le nombre des nouveaux cas en Chine est cependant tombé samedi à 2.641, pour l’immense majorité au Hubei, le nombre de nouveaux cas en-dehors de la province (221) continuant de chuter.

Zhong Nanshan, un expert médical chinois vétéran de la lutte contre le Sras (2002-2003), a déclaré s’attendre à un pic de l’épidémie « d’ici la mi- ou fin-février ». Plus prudente, l’OMS juge elle qu’il est « beaucoup trop tôt » pour faire des prévisions.

A la suite d’une délégation arrivée plus tôt cette semaine, une équipe internationale d’experts de l’OMS devait arriver à Pékin ce week-end pour une mission conjointe avec leurs homologues chinois.

Ils réaliseront des inspections sur le terrain, passeront en revue les mesures de prévention, visiteront des centres de recherche et formuleront des recommandations pour contenir l’épidémie, a indiqué Mi Feng, porte-parole de la Commission nationale de la santé.

Au Kazakhstan, lumière inattendue sur les Dounganes après des violences

Khousseï Daourov était presque inconscient quand il a senti l’acier froid d’un pistolet sur sa tempe, après avoir été pris dans les violences inter-ethniques le week-end dernier dans le sud du Kazakhstan.

Ces affrontements entre la majorité kazakhe et une minorité musulmane d’origine chinoise, les Dounganes, ont fait onze morts, des dizaines de blessés et provoqué la fuite de plusieurs milliers de personnes au Kirghizstan voisin. En majorité, il s’agissait de Dounganes, qui sont 150.000 à travers l’Asie centrale.

Leader communautaire local, M. Daourov essayait d’apaiser les tensions quand un Kazakh lui a braqué un pistolet sur le visage. C’est un autre Kazakh qui est intervenu, convaincant le premier de le laisser partir.

Les yeux mouillés de larmes, une écharpe soutenant son bras cassé dans les heurts, l’homme d’une soixantaine d’années est réticent à blâmer ses « frères » kazakhs pour ce déchaînement de violence. « Ce ne sont pas les Kazakhs qui ont fait cela à notre peuple », assure-t-il. « C’étaient des bandits, des tueurs à gages ».

Il ne s’attendait pas à ce que, dans la nuit du 7 février, des centaines de Kazakhs prennent d’assaut le village à majorité doungane de Massantchi, environ 130 kilomètres à l’ouest d’Almaty, capitale économique du pays. Ces affrontements sanglants mettent en lumière les tensions latentes de cette région multi-ethnique.

Pour les Dounganes, la vie en Asie centrale s’avère pourtant calme par rapport aux répressions qui les ont fait fuir la Chine impériale au 19ème siècle. Installé à cheval sur les frontières kirghize et kazakhe, ce peuple revendique un héritage à la fois chinois et arabe et travaille principalement dans l’agriculture ou le petit commerce.

Leur dialecte, mélange de chinois et de farsi, les singularise dans une région dominée par les langues turciques, sans pour autant empêcher leur intégration.

– Conflit « impensable » –

Pour Batyrbek Toreïev, un fonctionnaire vivant dans le village de Karakemer, le raid soudain sur Massantchi était même « impensable »: « Nos familles sont amies avec leurs familles. On s’arrête les uns chez les autres », s’étonne-t-il, ajoutant que « ce qui est arrivée est arrivé, il faut continuer à vivre désormais ».

En Chine, les Dounganes sont connus sous le nom de Hui. Comme d’autres, ce groupe ethnique de dix millions de personnes est victime de la répression visant les musulmans dans l’ouest de la Chine.

Mais au Kirghizstan et au Kazakhstan aussi, certains ne cachent pas leur ressentiment, accusant les Dounganes de profiter de leur héritage culturel et linguistique commun pour commercer avantageusement avec la Chine.

En 2013, des dizaines de camionneurs dounganes auraient été passés à tabac par des chauffeurs kirghiz à un poste-frontière avec la Chine, où ils se disputaient des marchandises à ramener en Asie centrale. Et au début des années 2000, des maisons dounganes avaient été brûlées après un conflit avec des villageois kirghiz.

A l’époque, les Dounganes avaient trouvé refuge au Kazakhstan. Cette fois-ci, ce sont tous les groupes ethniques du Kirghizstan qui méritent un « énorme merci » pour avoir fourni nourriture, aide et logement aux Dounganes en fuite, affirme Khousseï Daourov.

Les traces d’affrontements n’ont pas complètement disparues à Massantchi mais l’Etat kazakh, qui a toujours vanté l’harmonie d’un pays où, selon le ministère des Affaires étrangères, « plus de 100 groupes ethniques vivent en paix », tente de rétablir un semblant de normalité.

Dans une mosquée, de vieux Dounganes partagent du riz avec des policiers d’ethnie kazakhe. Dans cette petite ville, la présence accrue des forces de l’ordre depuis les affrontements a été bien accueillie, assure-t-on.

– Colère palpable –

Ailleurs, des employés de l’administration régionale enlèvent les débris noircis de ce qu’il reste du plus grand supermarché de Massantchi. Parmi ces travailleurs, le ressentiment est palpable.

« Ils ont tabassé un de nos anciens », dit l’un d’eux, Ermek Saparov. Cet incident, deux jours avant les affrontements, aurait contribué à alimenter les appels à la violence, notamment sur les réseaux sociaux et les services de messagerie.

Son collègue Oulan Achirbek admet avoir été tenté de répondre aux appels à la vengeance mais avait du travail vendredi soir. Sa colère n’est pas retombée: « Vous voyez, c’était un magasin doungane mais ce sont les Kazakhs qui font tout le nettoyage ».

Un autre sujet alimentant le ressentiment envers les Doungane, et que l’AFP a vu circuler largement à travers les services de messagerie, est d’ordre linguistique: selon ces messages, les Dounganes privilégieraient les langues russe ou doungane à la langue kazakhe dans leur vie quotidienne.

Malik Iassyrov, un Doungane de 24 ans tué par balle, était pourtant professeur de kazakh dans un collège du village proche de Sortobe. « C’était un patriote. Il est allé à Massantchi défendre ses concitoyens », dénonce Aïche Gadir, sa mère, lors d’une cérémonie organisée à leur domicile pour les proches du jeune homme.

Toute la nuit, Malik Iassyrov était resté en contact avec sa mère. Il décrivait les scènes de meurtre et de pillage, suppliant sa mère d’emmener ses deux enfants au Kirghizstan. Vers une heure du matin, son téléphone s’est éteint. Ce n’est que le lendemain matin que Mme Gadir a appris la mort de son fils.

« Cela fait 150 ans que nous sommes ici. Pourquoi Allah nous punit ainsi? », demande-t-elle: « Comment pouvons-nous passer à autre chose? »

Législatives cruciales en Iran, la coalition gouvernementale en sursis

Les Iraniens sont appelés aux urnes le 21 février pour des élections législatives cruciales qui devraient signer le retour des conservateurs et accroître la pression sur le président Hassan Rohani déjà en difficulté.

Le scrutin intervient alors que la République islamique d’Iran est sous le coup de sanctions américaines asphyxiant son économie, et a été ces derniers mois au bord d’un affrontement militaire avec les Etats-Unis, son ennemi juré.

Le pays a aussi été secoué par des manifestations contre le gouvernement, notamment en raison d’une hausse subite du prix de l’essence.

Pas moins de 7.296 candidats aux 290 sièges du Parlement ont été disqualifiés contre 7.148 qualifiés par le Conseil des Gardiens, organe chargé de la validation des candidatures et dominé par les ultraconservateurs.

Fin janvier, M. Rohani, un conservateur modéré, a mis en garde contre les menaces pesant selon lui sur « la démocratie », après la disqualification de ces milliers de candidats, la plupart issus de la coalition gouvernementale formée par les modérés et les réformateurs.

– « Promesses » non tenues –

Ces disqualifications sont « sans précédent », estime le journaliste indépendant Farshad Ghorbanpour qui souligne la désillusion chez les électeurs.

« La principale différence avec les précédentes élections est qu’avant, la population croyait que leurs votes permettraient des réformes. Cet espoir a disparu pour une majorité d’Iraniens », dit-il.

« Le Parlement actuel est composé en majorité des réformateurs, et les gens estiment qu’ils n’ont rien accompli de sérieux. Le peuple a en conclu que son choix n’a aucune incidence », ajoute-t-il.

Selon des observateurs, les électeurs ayant soutenu M. Rohani pourraient bien rester chez eux le vendredi 21 février.

Mostafa Hamidi, 37 ans, vendeur au bazar de Téhéran, affirme à l’AFP qu’il n’ira pas voter, se disant déçu des « promesses non tenues » des politiciens et de la dégradation de la situation économique. « Notre vote ne sert à rien. »

Beaucoup d’habitants interrogés par l’AFP critiquent la mauvaise gouvernance selon eux des autorités.

« A chaque fois qu’on a voté, les choses ne se sont pas améliorées, elles ont empiré », estime Morteza Jaberi, qui a une échoppe de pièces détachées dans le quartier pauvre de Molavi (sud).

Elu en 2013 puis réélu en 2017, le président Rohani avait promis plus de libertés sociales et individuelles et assuré que les Iraniens allaient pouvoir bénéficier des fruits du rapprochement avec l’Occident.

Il a été l’instigateur, pour Téhéran, de l’accord international sur le nucléaire iranien conclu en 2015. Ce pacte avait permis à l’Iran, pays pétrolier, de sortir de son isolement avec un allègement des sanctions internationales, en échange de garanties destinées à prouver que le programme nucléaire iranien n’avait aucune visée militaire.

Mais cet accord est menacé de voler en éclats depuis le retrait unilatéral américain en 2018 et le rétablissement par Washington des sanctions qui ont plongé l’économie iranienne dans une récession.

– Parlement « sur la touche » –

Par ailleurs, mi-novembre, l’Iran a connu une vague de contestation déclenchée par une hausse surprise du prix de l’essence, qui a été réprimée. Selon Amnesty International, la répression a fait au moins 304 morts.

Début janvier, les Etats-Unis ont tué dans une attaque de drone à Bagdad le puissant général iranien Qassem Soleimani, et des millions d’Iraniens lui ont rendu hommage dans un élan d’unité nationale.

Mais cette unité s’est ensuite fissurée. Après trois jours de déni, les forces armées ont reconnu avoir abattu par « erreur » un avion de ligne ukrainien (176 morts) après son décollage de Téhéran, ce qui a provoqué l’indignation de la population.

En l’absence de véritables concurrents, une grande coalition de conservateurs pourrait remporter largement les législatives, dont la campagne a débuté jeudi dans la discrétion.

Le Parlement, principal organe législatif de l’Iran, rédige les lois, ratifie les traités internationaux et approuve le budget.

Même si cette assemblée a été « de plus en plus mise sur la touche dans le processus de prise de décision », l’arrivée d’ultraconservateurs pourrait compliquer la tâche pour M. Rohani, relève Ellie Geranmayeh, analyste au Conseil européen des relations internationales.

Selon Henry Rome, analyste sur l’Iran à Eurasia group, la coalition gouvernementale de M. Rohani a même peu de chance de survie.

« Un Parlement ultraconservateur va tourmenter Rohani lors de la dernière année de son mandat, questionner ses ministres et compliquer la capacité du gouvernement à répondre aux pressions liées aux sanctions. »

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Afrique du Sud: vers la fin du quasi-monopole de l’électricité, les mines soufflent

L’Afrique du Sud, dont l’économie est handicapée par des délestages fréquents, a annoncé la fin du quasi-monopole de l’entreprise publique d’électricité Eskom, une mesure réclamée à cor et à cri depuis des années par l’industrie minière, clé pour le pays.

Depuis 2018, l’Afrique du Sud, première puissance industrielle du continent, a renoué, après un répit de trois ans, avec les délestages réguliers, jusqu’à plusieurs heures par jour.

La compagnie publique d’électricité Eskom, qui fournit plus de 90% de l’électricité dans le pays, n’arrive pas à répondre à la demande.

Ses centrales à charbon, principale source d’électricité en Afrique du Sud, sont vieillissantes et mal entretenues. Et le groupe – qui croule sous une dette abyssale de 26 milliards d’euros, résultat d’une mauvaise gestion et de pillage pendant la présidence de Jacob Zuma (2009-2018) – peine à les réparer.

Les coupures ont un effet « paralysant » sur l’économie, a reconnu jeudi soir le président sud-africain Ramaphosa lors de son discours annuel à la nation.

Alors pour « augmenter rapidement et de façon significative la capacité de production » d’électricité hors Eskom, il a annoncé une révolution: une série de mesures facilitant la production par les industriels de leur propre électricité. Les demandes dans ce sens seront examinées dans un délai de 120 jours.

L’annonce du chef de l’Etat a été immédiatement « saluée » par l’industrie minière, qui fait campagne depuis des années pour produire son électricité, notamment à base d’énergies renouvelables.

L’Afrique du Sud, pays très ensoleillé, dispose des conditions idéales pour l’énergie solaire et éolienne.

– « Bonne direction » –

Il y a quelques années, le géant sud-africain Sibanye-Stillwater avait obtenu l’autorisation de produire 50 mégawatts, « mais nous en avions demandé 150 », s’est plaint récemment son PDG, Neal Froneman, accusant Eskom de « protéger son monopole ».

Si tout se passe bien, ces déceptions pourraient être prochainement de l’histoire ancienne.

« Les compagnies minières seront bientôt (…) moins dépendantes d’Eskom », s’est réjouie jeudi soir la chambre des mines.

L’industrie minière a déjà en boîte « une série de projets énergétiques de 1,5 gigawatt qui peuvent être opérationnels dans les neuf à trente-six mois », a-t-elle précisé.

L’annonce du président Ramaphosa est un soulagement pour les mines – l’un des secteurs les plus gourmands en électricité – et l’industrie en général, alors que la croissance de l’Afrique du Sud est désespérément molle (0,8% en 2018).

C’est « un pas dans la bonne direction », a estimé l’analyste Raymond Parsons. « Il est impératif de réduire le risque qu’Eskom continue à faire peser sur l’économie sud-africaine. »

Les délestages d’Eskom sont « considérés comme l’une des principales menaces pesant sur l’économie sud-africaine », selon la chambre des mines. Ils « ont un effet dévastateur sur le secteur minier », a affirmé récemment son président, Roger Baxter.

En 2019, le secteur des mines, qui contribue à 8% du produit intérieur brut (PIB) sud-africain, s’est contracté de 1,3%.

En décembre, au plus fort des délestages, des mines ont fonctionné au ralenti.

Le groupe Petra Diamonds a dû fermer momentanément ses mines de Cullinan, Finsch et Koffiefontein. Ses mineurs ont dû être remontés d’urgence à la surface pour ne pas se retrouver bloqués dans les entrailles de la terre.

Le plan gouvernemental annoncé jeudi pourrait être la clé « pour éroder le monopole » d’Eksom, souligne l’agence de notation financière Fitch Ratings, mettant cependant en garde contre l’opacité entourant la délivrance des permis de production d’électricité.

Autoriser des sociétés minières « à apporter leurs propres solutions énergétiques signifie qu’on peut faire partie de la solution. C’est vraiment positif », a salué le président d’Anglo American, Mark Cutifani.

« Ce qui me rend triste, ajoute son concurrent Neal Froneman, est qu’il ait fallu attendre deux ans et une crise pour en arriver là. »

Chine-Vatican: rencontre historique entre ministres des Affaires étrangères

Un moment historique: des ministres des Affaires étrangères de Chine et du Vatican se sont rencontrés, une première en sept décennies et un nouveau signe de rapprochement depuis l’accord de 2018 sur la nomination des évêques.

Les deux Etats n’entretiennent plus de relations diplomatiques depuis 1951, en raison notamment de différends d’ordre religieux, Pékin se méfiant de toute influence religieuse étrangère sur son territoire.

Mais le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi et son homologue Mgr Paul Gallagher se sont entretenus vendredi à Munich (Allemagne), en marge de la Conférence sur la sécurité, a indiqué samedi le Quotidien du peuple, organe du Parti communiste chinois (PCC) au pouvoir.

Des diplomates et représentants des deux Etats s’étaient déjà rencontrés. Mais une entrevue publique à ce niveau, lors d’un événement international, est inédite.

« C’est aujourd’hui la première rencontre entre des ministres des Affaires étrangères de Chine et du Vatican », s’est félicité Wang Yi, selon le compte-rendu publié par le Quotidien du peuple sur son site internet.

« Cela ouvrira davantage d’espace pour les futurs échanges entre nos deux parties », a-t-il déclaré devant Mgr Paul Gallagher, dont le titre officiel est secrétaire chargé des rapports avec les Etats.

– « Résultats positifs » –

Le PCC se méfie de toute organisation, notamment religieuse, pouvant menacer son autorité sur la Chine. Il s’est ainsi longtemps méfié de la potentielle influence politique du pape sur la stabilité sociale dans le pays.

La Chine compte de 10 à 12 millions de catholiques, sur une population totale de 1,4 milliard d’habitants.

Ces croyants sont partagés entre une Eglise officielle (dont le clergé est soumis aux autorités) et une Eglise clandestine, tirant sa légitimité de l’obéissance au pape et dont les membres sont parfois l’objet de persécutions et d’arrestations.

Dans la pratique, cette fracture entre catholiques s’est réduite depuis la signature en 2018 d’un accord historique Pékin-Vatican sur la nomination des évêques, lequel a permis de réchauffer les relations bilatérales.

Ce texte « provisoire » donne aux deux parties un droit de regard. Le pape François a reconnu des évêques chinois qui avaient été nommés par Pékin sans son aval; le gouvernement chinois a fait de même dans l’autre sens.

L’accord a permis « d’obtenir des résultats positifs », s’est félicité vendredi Wang Yi devant son homologue du Vatican, toujours selon le Quotidien du Peuple.

– Des blocages –

« La Chine est disposée à améliorer encore la compréhension et la confiance mutuelle avec le Vatican, afin que l’élan d’interaction positive entre les deux parties continue de progresser », a-t-il souligné.

Du côté du Saint-Siège, la secrétairerie d’Etat a salué dans un communiqué une rencontre tenue « dans un climat cordial ». Les deux hommes ont réitéré « la volonté de poursuivre le dialogue institutionnel au niveau bilatéral pour favoriser la vie de l’Eglise et le bien du peuple chinois ».

Le pape François ne cache pas son désir de renforcer la relation avec Pékin. Mais le rétablissement des liens officiels entre les deux Etats reste compliqué à concrétiser.

Notamment parce que le Vatican continue d’entretenir des relations diplomatiques avec Taïwan. Une situation de blocage, car cette île peuplée de 23 millions d’habitants est considéré par Pékin comme une province chinoise en attente de réunification.

Le rapprochement Chine-Vatican divise également au sein de l’Eglise. Si certains y voient un dialogue utile pour améliorer la situation des croyants chinois, d’autres sont méfiants face à un PCC qui appelle régulièrement à « siniser » les religions.

Virus: en Chine, des billets de banque mis en quarantaine

La Chine nettoie et met en quarantaine les billets de banque usagés dans l’objectif affiché de limiter la propagation du coronavirus, a annoncé samedi la banque centrale, tout en réaffirmant son soutien aux entreprises mises en difficulté par l’épidémie.

Les banques font usage de rayons ultraviolets ou de hautes températures pour désinfecter les billets, avant de les placer sous scellés et de les isoler pendant sept ou quatorze jours, a expliqué Fan Yifei, vice-gouverneur de la Banque centrale chinoise (PBOC).

Après cette période de « quarantaine », dont la durée dépend de la sévérité de l’épidémie du coronavirus dans la région concernée, les billets de banque peuvent être remis en circulation, a-t-il indiqué lors d’une conférence de presse.

« Nous devons préserver la sécurité et la santé des usagers d’argent liquide », a martelé M. Fan, précisant que les transferts de billets entre provinces avaient été suspendus.

La PBOC semble répondre à une réticence accrue des Chinois d’utiliser de l’argent liquide par peur de contamination. Et ce même si les paiements mobiles sont omniprésents depuis des années dans le pays, la plupart des consommateurs chinois recourant à leur smartphone pour régler leurs achats au quotidien.

La banque centrale a par ailleurs réalisé avant les congés du Nouvel an lunaire fin janvier « une émission d’urgence » de nouveaux billets de banque pour un montant de 4 milliards de yuans (530 millions d’euros) à l’intention du Hubei (centre), province à l’épicentre de l’épidémie.

Face à l’épidémie de pneumonie virale, qui a fait plus de 1.500 morts et contaminé plus de 66.000 personnes en Chine, les opérations de désinfection se sont multipliées dans les lieux publics et les habitants sont incités à limiter les contacts entre eux.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la pneumonie Covid-19 se transmet essentiellement par voie respiratoire (par exemple dans les gouttelettes de salive) et par contact physique, mais également en touchant des surfaces contaminées.

Alors que certains analystes s’attendent à de possibles assouplissements monétaires pour relancer une économie paralysée par l’épidémie, Fan Yifei a simplement indiqué samedi que l’institution poursuivrait une politique monétaire « prudente ».

Sans exclure des marges de manoeuvre: le ratio des créances douteuses dans le bilan des banques « reste encore relativement bas », a ainsi insisté M. Fan.

Dans ce contexte, la CBRC, le gendarme chinois du secteur bancaire, appelle les banques commerciales à accroître leurs prêts aux entreprises tout en maintenant le coût du crédit « à un niveau raisonnable », a insisté son vice-président Liang Tao lors de la même conférence de presse.

Alain Souchon, voix des foules sentimentales

Toujours là, toujours à part: Alain Souchon est cet éternel adolescent de la chanson française, tout à la fois rêveur et pourfendeur de l' »ultra moderne solitude » contemporaine.

Son dernier –et superbe– disque « Ame fifties » a décroché le titre de meilleur album de l’année aux Victoires de la musique.

Comme à son habitude, derrière l’élégance des mélodies –troussées avec ses fils Pierre et Charles– se cache une certaine gravité, comme ces jeunes hommes envoyés hier en Algérie pour y faire la guerre ou l’ascenseur social en panne aujourd’hui.

Mais qu’est-ce qui le fait encore courir les scènes à 75 ans? « Quand je vois Mick Jagger, je me dis, s’il y a été, j’y vais aussi, même si ce n’est pas comparable bien sûr (rires) », racontait-il à l’AFP à l’automne 2019.

« J’entendrai constamment +Let’s Spend the Night Together+ (et de la chanter en interview), avec l’autre (Jagger) qui arrive comme un léopard! J’en suis fou de ça, ça m’exalte! », poursuivait-il enjoué.

Qu’est-ce qui résume mieux Souchon que sa chanson phare « Foule sentimentale », sacrée aux Victoires de la musique comme la plus marquante de la période 1985-2005? On y retrouve ce chanteur complexe, son éternelle « soif d’idéal » comme son incompréhension face à une société qui parfois « nous prend, faut pas déconner, dès qu’on est né, pour des cons ».

Un succès estampillé 100% Souchon: il en a signé paroles et musique, contrairement à bien d’autres de ses tubes mis en musique par son compagnon de route Laurent Voulzy, comme « J’ai dix ans », « Allô maman bobo », « Bidon », « La ballade de Jim », « C’est déjà ça »…

Avec sa chevelure indomptée, sa distanciation amusée face au star-system, Souchon cultive depuis toujours une image de Pierrot un peu lunaire, comme pour mieux oublier une enfance perturbée.

– « Patauger dans la semoule » –

Né le 27 mai 1944 à Casablanca (Maroc), il est élevé jusqu’à sept ans par un homme qui n’était pas son père mais dont il portait le nom, Kienast.

Le jeune Alain suit ensuite sa mère pour rejoindre son père biologique, Pierre Souchon, qui lui donne son nom. Mais ce père meurt quelques années plus tard dans un accident de voiture. En souvenir, Alain Souchon baptisera son premier fils Pierre et écrira à son père l’émouvante « Dix-huit ans que je t’ai à l’oeil » (1977).

Le chanteur confiait en 2015, dans un documentaire, avoir gardé de cette enfance perturbée une « envie de stabilité », que ce soit pour sa vie conjugale, son appartement ou ses voitures.

Il écrit ses premières chansons à l’adolescence, notamment à l’occasion d’un séjour en Angleterre, puis donne ses premiers concerts dans des cabarets parisiens comme ses références, Léo Ferré ou Guy Béart.

Il enregistre ses premières chansons au début des années 1970 mais il faut attendre la rencontre avec Laurent Voulzy, orchestrée par le directeur artistique Bob Socquet, pour que naisse son premier tube, « J’ai dix ans », en 1974.

« De deux chanteurs qui pataugeaient dans la semoule, on s’est retrouvés avec une chanson qui était au hit-parade! Alors on en a fait une autre, et puis une autre », confiait à l’AFP Souchon en 2014, année où les deux complices ont sorti leur premier album chanté en duo.

Cette collaboration fructueuse va constituer le fil rouge de la carrière de Souchon mais aussi de Voulzy, pour lequel le premier écrit de nombreuses paroles (« Rockollection », « Le soleil donne », « Belle-île-en-mer, Marie-Galante », « Le pouvoir des fleurs »).

Souchon, qui incarne à ses débuts la « nouvelle chanson française », va alors développer cette plume si singulière, oscillant entre poésie mélancolique et chronique sociale parfois grinçante.

Sa silhouette dégingandée s’est aussi promenée du côté du cinéma dans une poignée de films, avec un rôle resté célèbre dans « L’été meurtrier » aux côtés d’Isabelle Adjani.

Victoires de la musique: Clara Luciani, la grenade pop

C’est la belle histoire de la chanson française: loin du cliché du démarrage météorique, Clara Luciani a dû attendre près d’un an avant que ne détone « La grenade », son hit féministe.

Le nom de son album « Sainte-Victoire » semblait évidemment prédestiné pour les Victoires de la musique qui l’ont consacrée vendredi « artiste féminine ».

Mais que la reconnaissance fut longue. L’opus sort en avril 2018 et il faut attendre près de 12 mois pour que « La grenade » éclate sur les ondes. « Qu’est-ce que tu regardes?/T’as jamais vu une femme qui se bat/Suis-moi/Dans la ville blafarde/Et je te montrerai/Comme je mords, comme j’aboie ». Des paroles fortes, sur une trame électro, façon années 1980 revisitées, qui ont fait mouche.

Le titre a trouvé un bel écho dans le contexte #MeToo né de l’affaire Harvey Weinstein, mais s’est aussi inscrit dans le courant des nouvelles porte-voix du féminisme, comme Angèle avec « Balance ton quoi » ou Suzane avec « SLT ».

Le refrain « Prends garde/Sous mon sein la grenade/Sous mon sein là regarde » a aussi été récupéré pour des campagnes vantant le dépistage du cancer du sein. « Une politicienne a écrit des paroles en Belgique pour en faire un hymne écolo », confiait même Clara Luciani dans Le Parisien. « Heureusement, c’est assez proche de mes idées, mais j’aurais bien aimé que l’on me demande l’autorisation ».

– « Le tremblement essentiel » –

La chronologie de ce succès étonne encore aujourd’hui cette fille d’une aide-soignante et d’un employé de banque. « Ça a mis un temps fou! +La Grenade+ a commencé à être vraiment diffusée à la radio en janvier 2019 », souffle encore la chanteuse. Mais tout ira ensuite très vite pour celle qui s’est longtemps cherchée, en assurant des voix pour le groupe La Femme ou pour le chanteur Raphaël.

Elle sera ainsi sacrée « révélation scène » en février 2019. Et garde un souvenir fort des journées qui avaient précédé la cérémonie. « C’est l’exercice de chanter dans cette grande soirée qui me traumatisait. Je faisais des rêves où je manquais une marche, je tombais devant tout le monde ».

« En plus, j’ai une maladie qui s’appelle le tremblement essentiel », confiait-elle encore dans Le Parisien. « C’est neurologique, héréditaire, ma mère a ça aussi. Je tremble donc toujours un peu et c’est accentué par le stress, la fatigue… Et les Victoires, c’était la première télé où je n’ai pas trop tremblé, où on ne voyait pas à quel point j’étais effrayée ».

A 27 ans, la native de Martigues profite pleinement des concerts. Et parfois en famille, puisque sa sœur aînée, Léa – Ehla de son nom de scène – est également chanteuse. C’est elle qui avait assuré la première partie de Clara à l’Olympia en avril dernier.

Sur « Sainte-Victoire » on peut ainsi entendre « Ma soeur » que Clara dédie à Léa: « Personne ne croit en toi comme j’y crois/Personne, personne/Je serai là même s’il ne devait rester/Personne, personne ».

Guinée : Le président Condé annonce un référendum constitutionnel à hauts risques

Le président guinéen Alpha Condé a fixé au 1er mars la tenue d’un référendum constitutionnel et de législatives, malgré l’intense contestation de l’opposition qui dénonce une manoeuvre pour briguer un troisième mandat fin 2020.

Le décret présidentiel a été lu mardi soir sur les médias d’Etat – télévision et radios -, provoquant une série de réactions outrées de l’opposition, qui entend empêcher le bon déroulement des législatives et de cette consultation constitutionnelle.

Lundi soir, un autre décret du chef de l’Etat avait annoncé que les élections législatives, prévues le 16 février après avoir été déjà maintes fois reportées, auraient finalement lieu le 1er mars.

L’annonce de la date du référendum, attendue depuis des semaines, risque d’accroître les tensions déjà vives dans ce pays de 13 millions d’habitants, pauvre malgré d’importantes ressources minières.

La Guinée est le théâtre depuis mi-octobre de protestations contre le projet prêté de longue date au président, élu en 2010 et réélu en 2015, de chercher à se succéder fin 2020. L’actuelle Constitution limite à deux le nombre de mandats présidentiels.

L’avant-projet de nouvelle Constitution divulgué en décembre et qui sera soumis à référendum dans moins d’un mois maintient cette limite. Mais l’opposition soupçonne que l’adoption d’une nouvelle Constitution serve à M. Condé de prétexte pour remettre son compteur présidentiel à zéro.

Alpha Condé, 81 ans, dénonce l’actuelle loi fondamentale, datant de 2010, comme un « concentré d’intérêts corporatistes » comportant des « lacunes et incohérences ». Alors que la communauté internationale, dont l’ONU et la France, s’inquiète des troubles dans le pays, il a récemment averti que « personne ne dicte à la Guinée ce qu’elle doit faire ».

« Rien de tout ce que fait Alpha Condé ne surprend. C’est à nous de faire ce que nous avons promis de faire », a déclaré mercredi à l’AFP le chef du Bloc Libéral (BL), un parti d’opposition qui boycotera les législatives. A savoir: « dénier » au chef de l’Etat la possibilité d’organiser « les élections à n’importe quelle date », « lui dénier le référendum sur la nouvelle Constitution et dénier à Alpha Condé le 3e mandat ».

– « Astuce » –

En revanche, un autre parti politique, l’Union des Forces démocratiques (UFD) a choisi de participer aux législatives, contrairement à la majorité de l’opposition, qui a décidé de boycotter et même d’empêcher la tenue du scrutin. Mais pour son président, Mamadou Bah Baadiko, le « couplage » des législatives et du référendum relève du « banditisme politique ».

« On va insister auprès de nos électeurs, on ne touche pas à un seul bulletin du référendum et on ne vote que pour les législatives », a déclaré M. Baadiko à l’AFP.

L’annonce du référendum le même jour que les législative va « enclencher une situation qui va être très difficile à gérer », selon Abdoul Gadiry Diallo, président de l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme et du citoyen (OGDH). Dans un communiqué publié mardi, l’ONG avait estimé que « la paix et l’unité nationale n’ont jamais été aussi menacées en Guinée que maintenant ».

M. Condé garde jusqu’ici le silence sur ses intentions, ne disant pas s’il compte se représenter à la fin de l’année.

Mais l’éventualité d’un troisième mandat a fait descendre à plusieurs reprises dans la rue des dizaines, voire des centaines de milliers de Guinéens à l’appel d’un collectif de partis d’opposition, de syndicats et de membres de la société civile, le Front national pour la Défense de la Constitution (FNDC).

Le coordinateur national du FNDC, Abdourahmane Sanoh, estime que le couplage des législatives et du référendum n’est qu’une « astuce pour amener davantage de personnes aux urnes ».

« Ils veulent aller jusqu’au bout le 1er mars et le FNDC est prêt à aller jusqu’au bout pour empêcher qu’il y ait effectivement le référendum », a-t-il déclaré mercredi lors d’une conférence de presse.

Le mouvement a été plusieurs fois durement réprimé et s’est accompagné de troubles à travers le pays. Au moins 28 civils et un gendarme ont été tués depuis mi-octobre. Les manifestations ont toutefois été suspendue par le FNDC.

Opposant historique qui connut l’exil et la prison, M. Condé a été le premier président démocratiquement élu en 2010. Son avènement a marqué l’instauration d’un gouvernement civil après des décennies de régimes autoritaires et militaires. L’opposition dénonce toutefois une dérive « dictatoriale ».

L’économie guinéenne à l’épreuve de trois mois de contestation

Plus de trois mois de contestation en Guinée mettent à l’épreuve l’économie de ce pays d’Afrique de l’Ouest qui est déjà l’un des plus pauvres du monde malgré les richesses de son sous-sol, s’accordent habitants et experts.

La Guinée est le théâtre depuis mi-octobre de protestations plusieurs fois durement réprimées et de troubles à travers le pays. Au moins 26 civils et un gendarme ont été tués. La tension est encore montée d’un cran ces dernières semaines, des commerces ont été pillés, des bâtiments publics saccagés, des routes bloquées.

L’opposition annonce deux nouvelles journées de mobilisation à risques cette semaine, sans aucun signe de décrispation en vue. Le collectif de partis, de syndicats et de membres de la société civile qui mène le mouvement se dit résolu à faire barrage au projet qu’il prête au président Alpha Condé, 81 ans, de briguer un troisième mandat à la fin de l’année, alors que l’actuelle Constitution en limite le nombre à deux.

Le collectif ne se contente pas de faire descendre les Guinéens dans la rue par dizaines ou centaines de milliers. Il appelle à la résistance, y compris dans le secteur économique. Il a demandé aux « compagnies minières, banques, usines, stations service et aux autres entreprises publiques et privées de suspendre toute activité » les jours de manifestation.

Un chiffon rouge pour le président, élu en 2010 sur la promesse d’une « ère nouvelle ». Il se fait fort de développer son pays en mettant à profit ses importantes ressources naturelles et en attirant les investisseurs.

Avant son arrivée au pouvoir, « on importait tout. Aujourd’hui, on transforme de plus en plus de produits agricoles, nous exportons du ciment. Nous n’avions pas d’énergie, maintenant nous produisons des centaines de mégawatts », se targuait-il en octobre dans le quotidien français Le Monde.

Difficile de chiffrer l’impact économique de la protestation. Mais « l’approvisionnement est totalement perturbé », dit à l’AFP l’économiste et ancien ministre de la Pêche Boubacar Barry.

Du coup, les prix augmentent. « La conséquence la plus évidente, c’est la baisse du pouvoir d’achat », ajoute-t-il.

Propriétaire d’un magasin dans la banlieue de Conakry, Mariama Barry rapporte que son chiffre d’affaires a chuté et que « plus personne n’ose faire de stocks » parmi les commerçants. Elle a aussi dû engager du personnel de sécurité pour protéger son commerce.

– Repoussoir pour investisseurs –

La capitale est livrée au compte-gouttes en fruits et légumes, dit un chauffeur de camion, Zeze Guilavogui. « Il vaut mieux ne pas aller à Conakry plutôt que de voir sa marchandise pillée ».

Le secteur minier est le joyau de l’économie guinéenne. En 2017, il a fait rentrer environ 500 millions de dollars dans les caisses de l’Etat, selon le Natural Resource Governance Institute (NRGI), un centre d’études.

En mentionnant explicitement les mines dans son appel à la protestation, le collectif délivre un « avertissement par écrit » au gouvernement, dit Hervé Lado, un expert du NRGI.

Des images de sabotage des voies ferrées transportant le minerai ont circulé massivement sur les réseaux sociaux. Dans un signe apparent d’extrême sensibilité, le gouvernement a été prompt à démentir que l’activité ait été affectée.

« Quand il y a des problèmes politiques ou de sécurité, le gouvernement fait en sorte de garantir sa principale source de revenus », souligne Hervé Lado.

Le chef du collectif d’opposition, Abdourahmane Sanoh, reconnaît qu’il est impossible de quantifier l’effet de la protestation sur l’économie, même s’il est réel.

« L’économie est paralysée, les gens ne peuvent plus vendre leurs biens », dit-il. Mais, nuance-t-il, l’objectif principal est de pousser la communauté internationale à engager une médiation, pas de ruiner le pays.

L’économie pourrait souffrir encore plus si le mouvement se prolonge et si les syndicats jettent leurs forces dans la bataille, estime Hervé Lado. « Si beaucoup de syndicats se joignent au mouvement, je pense qu’il y aura beaucoup d’action contre les entreprises minières », dit-il.

Pour l’ancien ministre Boubacar Barry, les perturbations enregistrées sur le rail sont déjà « plutôt extraordinaires ». « Rien de ceci ne va rassurer les investisseurs », déclare-t-il.