Déguerpissements de Kaloum : des déguerpis Léonais passent la nuit en plein air

Comme les habitants de Kaporo-rails et de Kipé 2, les déguerpis de Petit-bateau dorment à la belle étoile, à la seule différence que cette fois-ci ce sont des étrangers.

Plus d’une centaine de personnes de nationalité Sierra-Léonaise, érigent domicile en bordure de route dans le quartier Tombo, à quelques mètres du Gouvernorat de la ville de Conakry. Des femmes dont certaines enceintes, de vieilles personnes, des enfants dorment sur un petit espace très sale. C’est un caniveau qui les sépare de la route. Le pire, ils sont obligés de se laver, de manger bref de faire tout sur place sous les yeux des passants. Ils ont été déguerpis de leurs hameaux situés sur le long des rails à Petit bateau, il y a quelques semaines.

Dans un anglais fade, ce jeune homme interrogé sur place par Africaguinee.com a expliqué leur calvaire. Selon Dara Camara, l’Ambassade de Sierra Léone a été saisi sur leur situation mais aucune suite favorable n’a été trouvée. « Nous sommes une centaine des personne ici, nous dormons dehors parce qu’on a détruit nos habitations. Nous avons interpellé notre ambassade et ils connaissent ce qui se passe ici. Ils sont même venus ici pour nous voir et ils ont pris leur véhicule pour repartir sans rien faire pour trouver solution à notre problème. On ne connait pas ce qui se passe à leur niveau. Nous sommes ici pour attendre de l’aide nous souffrons beaucoup, le lieu est sale, la nuit tu ne peux même pas dormir à cause des moustiques et les mauvaises odeurs des caniveaux. Je ne peux pas tout expliquer. Beaucoup d’entre nous n’ont même pas à manger. Certains n’ont pas d’argent, on ne sait quoi faire et on n’a pas un autre endroit où habiter. Je demande de l’aide au gouvernement guinéen maintenant et à tout moment », confie un jeune de nationalité léonaise.

Parmi ces gens, il y a plusieurs femmes enceintes. Zénab Conté est l’une d’entre elles. Cette jeune-dame demande de l’aide. « Depuis une semaine 2 jours nous souffrons beaucoup ici. Nous n’avons pas où dormir. Nous dormons et nous nous lavons au bord de la route. Et nous n’avons pas à manger parce que nous n’avons pas d’argent. Nous demandons de l’assistance surtout nous les femmes enceintes », a plaidé cette femme enceinte.
Samer Camara, père de 3 enfants est pécheur de profession. Avant de lancer un appel au Président Alpha Condé et à son Ambassadeur, il explique qu’il habite ce quartier de plus de 10 ans. « Je suis en Guinée à Petit Bateau depuis 12 ans. Je ne vais accuser personne, je ne suis pas capable de le faire même avec le gouvernement. Je me remets à Dieu. Notre Ambassade de la Sierra- Leone ne nous a pas exprimés de la sympathie depuis qu’on nous a déguerpis. L’ambassadeur Almamy Bangoura est un frère, il n’a qu’à nous aider parce que nous dormons sur la route au Petit bateau. Je salue le président Alpha Condé et je lui demande de l’aide aussi », a expliqué Samer Camara avant d’ajouter qu’il vit actuellement grâce au petit commerce de sa femme.

Kaporo-rails : la journée sans activités ignorée à Labé

Pour attirer l’attention des autorités sur le calvaire que traversent les victimes de déguerpissement de Kaporo-rails et de Kipé2, une journée sans activités a été initiée par les victimes.

Cet  appel n’a pas été suivi à Labé, chef-lieu de la Moyenne Guinée où les activités de tous les secteurs en général et particulièrement au marché central tournent. « C’est vous qui m’avez informé de cette journée, je fais le tour du marché central mais personne n’en parle. D’ailleurs lorsque je suis venu le matin, j’ai trouvé que les activités vont bon train, boutiques et magasins tout était ouvert. Si de telles situations sont prévues on est souvent informé par la chambre de commerce ou les autorités communales mais tel n’est pas le cas », affirme Mamadou Telly Diallo, administrateur général du marché central de la ville.

Mamadou Aliou Barry, contacté, dit qu’il n’était pas informé de cette initiative. « Pour la ville morte, c’est avec vous que l’apprends.  Même si des gens sont informés de la situation, ils n’ont pas respecté l’initiative. Néanmoins, j’ai pitié des victimes. C’est vraiment triste ce que ces gens-là ont subi. Malheureusement, la journée n’a pas été suivie ici à Labé », dit le commerçant. Plus loin, l’administrateur du marché central de Labé a invité les personnes de bonne volonté à assister les victimes. « Nous demandons aux citoyens d’assister les victimes, pour qu’elles trouvent de quoi se nourrir et se loger.  Les victimes passent des moments difficiles, toutes les personnes de bonne volonté sont priées de les assister », plaide-t-il.

Selon le porte-parole de ce collectif des victimes, la journée vise à soutenir les victimes et attirer les autorités sur ce qui se passe à Kipé2 et à Kaporo-rails. Cette forme de protestation n’impressionne apparemment pas les autorités qui disent rester restent déterminées à récupérer les domaines de l’Etat sur toute l’étendue du territoire national.

Ibrahima Kourouma se tourne vers une nouvelle zone à Kaloum

Après la haute banlieue, notamment à Kapro, Kipé 2 et Koloma 1, Dr Ibrahima Kourouma se tourne vers Kaloum.

Ce mardi 26 mars 2019, le Ministre de la ville et de l’aménagement du territoire a fait démolir plusieurs lieux d’habitation au quartier Coronthie, dans le centre-ville de Conakry. « On ne peut pas être dans une situation où les gens viennent s’installer, parfois à 50 centimètres des rails où le train va venir. Je crois que même si eux ne sont pas conscients, l’État a l’obligation de faire en sorte que ces personnes et leurs enfants aient la vie sauve.  Je crois que le dégagement rentre dans ce cadre et cela est extrêmement important pour nous», a précisé Dr Ibrahima Kourouma, le ministre de la Ville et de l’Aménagement du Territoire.

La zone située aux alentours du port autonome de Conakry est également dans le viseur du Ministre Ibrahima Kourouma.  « C’est pour que chaque guinéen puisse bénéficier du port.  Je tiens à préciser que 80% des activités économiques et commerciales en Guinée émanent du port. Tout ce qui est comme import et export c’est le Port de Conakry. L’objectif aujourd’hui du Président c’est de faire en sorte que les pays voisins comme le Mali et le Burkina puissent profiter de ce port », a soutenu le Ministre de la ville et de l’aménagement du territoire.

Kaporo-Rail : Damaro dénonce le populisme de Cellou

Le déguerpissement à Kaporo-rails et à Kipé 2 continue de susciter des réactions au sein de la classe politique.

Amadou Damaro Camara s’interroge sur sa cohérence. « Je ne sais pas comment des militants d’un seul parti peuvent se retrouver sur des dizaines de kilomètres dans une ville comme Conakry. Ça ne peut pas être politique. Ce n’est que du pur populisme », dénonce le chef de la majorité présidentielle. Tandis que  Cellou Dalein Diallo affirme que cette opération « controversée »  est un règlement de compte politique visant son parti. De nombreuses familles se sont retrouvées sans abris à cause de la démolition de leurs maisons par le Gouvernement qui a entamé en début février une opération de récupération des domaines de l’Etat.

L’action vivement contestée et critiquée  est concentrée dans la commune de Ratoma (Kaporo-rails et Kipé 2), réputée être un bastion de l’opposition. Pour Cellou Dalein Diallo, il n’y a pas de doute : c’est un règlement de compte politique. Prudent sur cette affaire en attendant de cerner tous les contours, le président du Groupe parlementaire RPG arc-en-ciel exprime cependant un regret. La politisation et la communautarisation du débat. « Je regrette qu’on ne puisse plus rien débattre en Guinée en dehors du spectre politique et ethnique », déplore le parlementaire, rappelant que lorsque Cellou Dalein Diallo était aux affaires, il avait défendu une position contraire à celle qu’il défend aujourd’hui sur le dossier Kaporo-rails.

Déguerpissement à Conakry : Bah Oury en colère contre le Gouvernement

Longtemps resté silencieux,  Bah Oury a brisé le silence sur le déguerpissement en cours  des populations de Kaporo-rails et de  Kipé 2.

 « Récupérer la réserve foncière de l’Etat est tout à fait normale, protéger et accompagner les déguerpis est aussi un devoir de l’Etat. Le gouvernement  doit aider les populations sinistrées. C’est une obligation régalienne! », Interpelle Bah Oury. L’ancien ministre de la réconciliation s’interroge sur « l’inaction » du gouvernement vis-à-vis des cris de détresse des citoyens déguerpis. Le gouvernement est resté sourd Jusqu’ici face aux pleurs des populations déguerpies livrées à elles-mêmes, sans assistance. Toute chose qui amène l’animateur du mouvement le Renouveau à s’interroger : « Pourquoi les gouvernants  prennent peu en compte la détresse de la population lorsque celle-ci pleure du fait des actes des mêmes gouvernants. Il faut gouverner avec et pour le peuple. Le contraire mène à la ruine et l’instabilité », a-t-il averti.

L’action a été vivement critiquée par la classe politique à cause du fait qu’il n’y a pas eu de mesures d’accompagnement à l’endroit des victimes. Ce drame humanitaire en cours au cœur de la capitale guinéenne est largement commenté par la presse locale et sur les réseaux sociaux. Pour Bah Oury, le gouvernement  aurait dû faire preuve de plus de discernement et de responsabilité actuellement pour ne pas retourner le couteau dans la plaie. « Le lourd passif historique de 1998 a généré un traumatisme collectif profond », rappelle-t-il, alors que le Gouvernement annonce la poursuite des opérations sur d’autres réserves foncières de l’Etat.

 

Récupération des domaines de l’Etat, Labé dans le viseur de l’Etat

Au moment où la récupération des domaines appartenant à l’Etat guinéen se poursuit à Kaporo-Rails et à Kipé2, les citoyens de Labé se demandent s’ils ne sont pas eux aussi dans le viseur du Ministère de la Ville et de l’Aménagement du Territoire.

Selon Noumouké Traoré,  le Directeur préfectoral de l’Urbanisme et de l’Habitat, 34 sites ont été immatriculés et une centaine d’autres attendent de l’être : « Avec la Direction préfectorale de la Ville et de l’Aménagement du Territoire, nous avons, au niveau de la préfecture de Labé, identifié et pris les coordonnées et les dimensions des zones afin de faire les titres. Présentement, nous avons 34 sites immatriculés qui ont des titres fonciers et arrêtés. Certains ont déjà leurs plaques d’immatriculation. Il y a plus d’une centaine qui ont été levés aussi en vue d’une immatriculation. Avec la deuxième mission qui est venue, ces dossiers sont au niveau du département pour leur immatriculation. L’identification, l’immatriculation et la sécurisation concernent non seulement le centre-ville mais aussi les domaines ruraux.  On a pu identifier certains domaines de l’Etat. Ce n’est pas fini puisque ça concerne tous les domaines de l’Etat. Ce n’est pas fini. Dans la commune urbaine ici, il y en a plusieurs. Ce n’est pas fini. »

Certains de ses domaines sont à l’Aéroport de Labé, dans le quartier Tata 1 et Thalakoun. « Il y a les domaines de l’Aéroport. Tous ceux qui occupent les domaines ont été identifiés. Il y a  eu des croix à deux reprises. Il y a la sécurisation de cet aéroport, qui est d’actualité, puisque Labé doit recevoir les envoyés du COCAN. Tout le monde le sait. Il y a aussi le cas de Thalakoun. Cette réserve,  tout le monde le sait, appartient à l’Etat, depuis le temps colonial. Tout récemment, une mission du ministère de la Ville est venue ici, nous avons posé les bornes. Tous les bâtiments se trouvant dans la réserve ont été cochés. Donc, je demande à tout le monde d’arrêter l’envahissement et de démolir et de quitter les lieux, puisqu’à la longue l’Etat va récupérer son domaine, quel que soit le temps, et personne ne sera dédommagé. Cette loi, on l’a ici. Elle dit que tous ceux qui occupent les domaines de l’Etat doivent être poursuivis de manière juridique, ils doivent aussi quitter. Il y a une amende à payer par mètre carré. Et toutes les démolitions sont à leur charge. Donc ils ne doivent s’attendre ni à un dédommagement ni à un recasement », conclut-il

Déguerpissementde kipé : les hommes d’Ibrahima Kourouma investissent les lieux

Après  Kaporo-rails et Soloprimo  dans sa partie non-lotie, les hommes d’Ibrahima Kourouma, ministre de la ville et de l’aménagement du territoire ont débarqué ce mardi 12 mars 2019 à Kipé 2 où les casses ont commencé.

 

Les habitants de Kipé 2 rejoignent la longue des victimes de déguerpissement à Conakry sous le règne d’Alpha Condé. La zone est située dans la commune de Ratoma. Alors que les bulldozers, les Caterpillars et d’autres engins lourds se rivalisent d’ardeur dans la casse des maisons, certains citoyens se précipitent pour sauver quelques biens, a-t-on constaté. Le gouvernement a engagé une vaste opération de récupération de certains domaines appartenant à l’Etat depuis début février. L’action est vivement critiquée par la société civile et l’opposition qui déplore le manque de mesures d’accompagnements. Les victimes sont livrées à elles-mêmes, sans assistance. Plusieurs d’entre elles dorment à la belle étoile sur les ruines de leurs anciennes habitations.

Les populations de Kipé 2 menacé d’être déguerpies

Après les habitants de Kaporo-rails, c’est un autre quartier populaire de Conakry qui est dans le collimateur d’Ibrahima Kourouma.

Les habitants du quartier kipé 2 risquent de subir le même sort que les populations de Kaporo-rails forcées à quitter leurs maisons sous la menace des bulldozers. Pour le moment l’affaire de Kipé 2 est actuellement pendante au niveau de la justice qui doit trancher prochainement. Pour les avocats des habitants de kipé 2,  en procédant au marquage des habitations, le ministre Kourouma agit en violation des lois dans un domaine litigieux.

D’après  l’Etat guinéen, le projet de déguerpissement de Kipé 2 résulte de l’application du décret 211 du 22 novembre 1989 qui prévoyait la construction du centre directionnel de Koloma. Pour les avocats des occupants de Kipé 2,  cette zone n’est pas citée comme réserve foncière de l’Etat. Par ailleurs ce décret prévoit des indemnisations aux habitants des zones foncières de l’Etat. Ce projet de démolition de Kipé 2 intervient alors que les habitants de Kaporo-rails sont livrés à eux-mêmes sans aucune indemnisation de la part de l’Etat.