Guinée : L’opposition veut intensifier les manifestations malgré le report du référendum

Après l’annonce du report du référendum constitutionnel, l’opposition guinéenne a lancé un énième appel. En effet le FNDC a appelé samedi à intensifier les manifestations pour réclamer le départ d’Alpha Condé.

Le report de ce référendum ne satisfait en rien l’opposition qui est plutôt favorable à une annulation de sa tenue.

Au lendemain de l’annonce du report d’un référendum constitutionnel contesté, l’opposition a appelé, dimanche 1er mars, à intensifier les manifestations pour demander le départ du dirigeant guinéen.

Le Front national de défense de la Constitution (FNDC), collectif de partis et de la société civile engagé contre un éventuel troisième mandat d’Alpha Condé, « prend acte du report des élections [référendum et législatives] illégalement et unilatéralement programmées par Alpha Condé« , a-t-il affirmé dans une déclaration, samedi.

Toutefois, « ce report ne répond nullement à la demande légitime du peuple de renoncer au troisième mandat et au référendum constitutionnel« . Il « ne résout pas les questions d’inclusion, de transparence et de crédibilité du processus électoral. Notre lutte est loin d’être achevée« , selon le FNDC.

Manifestations pacifiques intenses

Le Front appelle les Guinéens à « se préparer à des manifestions pacifiques intenses dès le jeudi 5 mars pour obtenir le départ » du pouvoir du président Alpha Condé, élu en 2010 puis réélu en 2015.

Samedi, à Conakry, les tensions persistaient. Des partisans de l’opposition ont dressé des barricades dans la banlieue et jeté des pierres aux forces de l’ordre qui ont riposté avec des gaz lacrymogènes, selon des journalistes de l’AFP.

Après l’annonce par Alpha Condé du report du référendum et des législatives, la commission électorale « va saisir la Cour constitutionnelle pour la fixation d’une nouvelle date dans la fourchette indiquée », a-t-il écrit dans une lettre écrite par le président à la Cédéao [Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest].

« Non au coup d’État constitutionnel »

Depuis mi-octobre, la mobilisation anti-Condé, sous la houlette du FNDC, donne lieu à des manifestations massives à travers le pays, à des journées villes mortes qui affectent l’économie de l’un des pays les plus pauvres de la planète, et à de graves épisodes de brutalité policière. Au moins 30 civils et un gendarme ont été tués depuis lors.

L’opposition considère le référendum comme une manœuvre du président Alpha Condé, bientôt 82 ans, pour briguer un troisième mandat à la fin de l’année.

Cellou Dalein Diallo, principal opposant guinéen, estime que « le discours d’Alpha Condé s’apparente plus à une déclaration de guerre à l’endroit de l’opposition et du FNDC qu’à une offre de paix et de dialogue », dénonce-t-il sur Twitter. « Non au coup d’État constitutionnel, non à la mascarade électorale ni le 1er mars, ni dans quinze jours », a-t-il poursuivi.

« Le report, c’est purement pour des raisons techniques »

Dans la capitale guinéenne, une source diplomatique occidentale a affiché son scepticisme sur la possibilité d’organiser un référendum et des législatives fiables dans deux semaines.

Ce report « ne va pas [faire] progresser plus la machine [électorale]. Le fichier électoral ne va pas évoluer en quinze jours », a-t-elle déclaré à l’AFP.

« Le report, c’est purement pour des raisons techniques », justifie le secrétaire permanent du parti présidentiel, Sékou Condé. « Les gens ont saccagé des matériels dans des bureaux de vote. Ca n’a rien à voir avec le fichier électoral » contesté par l’opposition, ajoute-t-il.

« Nous avons aujourd’hui le logiciel le plus performant qui existe en Afrique. Il élimine les doublons, les morts et les mineurs. S’il y a un doute qu’on veut voler, il faut qu’on montre à la face du monde qu’on ne vole pas et que nous voulons des élections transparentes », a déclaré samedi le président Condé, devant des militants, au siège de son parti.

Le président guinéen à ses détracteurs: « Personne ne dicte à la Guinée ce qu’elle doit faire »

« Personne ne dicte à la Guinée ce qu’elle doit faire », a affirmé mercredi à Conakry le président guinéen Alpha Condé, confronté depuis des mois à une vague de manifestations de l’opposition, qui réclame une plus grande implication de la communauté internationale.

« En 1958, nous avons osé dire +Non+ pour prendre notre indépendance. Malgré tous les risques, nous sommes toujours débout », a dit Alpha Condé devant un parterre de diplomates, essentiellement issus du monde arabe.

La Guinée avait voté non au référendum instituant une « communauté » franco-africaine proposée cette année-là par le général de Gaulle, accédant peu après à l’indépendance.

L’opposition guinéenne organise depuis la mi-octobre des manifestations, parfois durement réprimées, pour faire barrage au projet qu’elle prête au chef de l’Etat de briguer un troisième mandat à la fin de l’année, alors que l’actuelle Constitution en limite le nombre à deux.

A la mi-janvier, le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, avait déclaré la France « particulièrement » préoccupée.

La situation en Guinée est « la plus sensible aujourd’hui (dans la région) et l’engagement du président Alpha Condé à demander une réforme de la Constitution ne nous paraît pas être obligatoirement partagé ni par sa population ni par ses voisins », avait dit le ministre français des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale. « Nous sommes très attentifs, avec nos partenaires, à l’apaisement en Guinée », avait-il ajouté.

« Nous discutons avec nos partenaires, nous écoutons leurs conseils, mais personne ne dicte à la Guinée ce qu’elle doit faire. C’est le peuple de Guinée qui décide de son avenir, il faut que ça soit très clair pour tout le monde », a déclaré mercredi M. Condé lors de l’inauguration à Conakry du siège d’une nouvelle agence de lutte contre la pauvreté, l’Anies, soutenue financièrement par le Fonds d’Abou Dhabi.

« Nous sommes prêts à collaborer avec nos partenaires, à les écouter, mais dans le respect réciproque », a poursuivi le dirigeant guinéen de 81 ans.

M. Condé a aussi souligné que son pays n’était pas le seul à traverser des crises: « Nous voyons des manifestations, nous voyons des crises partout », a-t-il dit.

Au moins 27 personnes ont été tuées depuis la mi-octobre dans les affrontements entre manifestants et forces de l’ordre, qui ont également coûté la vie à un gendarme, selon un décompte de l’AFP.